Jonathan LERIVRAY

Biographie

Après plusieurs essais injustement snobés par l’intelligenzia parisienne qui voyait en ce cinéma provincial un retour complaisant aux valeurs agrestes et polémiques du post-colonialisme (on pense notamment à « Silence ! On coupe », tourné en été 2004 au fin fond de la savane burkinabè), Jonathan réalise Le Regard de l’ornithorynque avec Étienne André en 2005. Les dialogues y brillent par leur absence, mais la tension et le malaise sont là : le film défraie la chronique et le propulse au devant de la scène où il est érigé en symbole d’une génération sacrifiée à la crise identitaire bourgeoise d’après 68. Conscient de la surenchère artistique et médiatique dont il fait l’objet, soumis à des pressions politiques sans précédents, Jonathan envisage un moment une retraite littéraire qui nous vaudra « Volutes Orientales », récit-fiction torturé et sublime, injustement relégué au rang de rapport de stage par ses détracteurs.

L’appel de la caméra se fait cependant trop fort et il réalise, toujours à l’aide d’Étienne André, Le Jour où l’ascenseur est tombé dans le puits où il y interprète un "homme marchant puis demandant qu’on lui ouvre la porte" avec une élégance lointaine et distinguée. Le thriller noir et haletant permet, entre autres, la découverte de Mélodie Chesnel à l’écran, succédant à Uma Thurman dans la grande tradition du cinema pastiche et référentiel initié par Quentin Tarantino. Son cinéma connaît alors un succès international et l’on parle outre-manche du "1.5 Degree" raccourci nécessaire quoique forcément impropre pour désigner l’inqualifiable liberté de ton qui caractérise son œuvre, oscillant sans cesse entre application et autodérision, sophistication intellectuelle et suicide artistique. À cette même époque quelques sombres histoires de drogue et d’alcôves viennent entâcher sa réputation, la presse people, avide de scandales, diffuse notamment les photos du "Gala de l’INSA 2005".

Alors qu’on le croit sur le déclin, il officialise sa relation avec Zhang ZiYi, reconnaît enfin ses enfants aux 4 coins du monde et offre au public Un arrière-goût de cannelle, qui le consacre définitivement meneur de la nouvelle vague française. Aidé par son compère Étienne André, coréalisateur mais néanmoins ami, il signe une œuvre scandaleuse et irradiée qui marque l’histoire du 7e Art : montage avant-gardiste, déconstruction visuelle, sonore et narrative, esthétique du pixel. Rigoureux à l’extrême (on le dit très pointilleux sur les horaires), il s’y compromet avec insolence, désireux de contribuer à la "cartographie de la psychologie menstruelle" (selon sa propre expression) et sera notamment l’instigateur de la "Scène de la bite" et du "Slow style viol mais en plus soft" qui trouve bonne place entre l’indécemment kitsch "Scène la pagode" et le mythique "Et là sodomie" proposés par Étienne André dans le même film. Le public, probablement pas encore à même de digérer la noirceur d’un cinéma aussi novateur, ne récompense pas le film.

L'artiste entame alors une longue série de voyages en Asie du Sud-Est, déplacements étalés dont les motivations restent encore obscures. Certains évoquent sa présence aux côtés d'intrigants politiques vietnamiens, tel le dissident Nguyen T. Trung, d'autres soulignent son implication dans des transactions nébuleuses (on se souviendra à ce titre du "Singapore intership", sordide affaire de traffic d'armes, le compromettant ainsi qu'un important conglomérat d'armement français, dans des tractations qui lui vaudront jusqu'à la fin de sa carrière le surnom "d'Arthur Rimbaud du cinéma"). Avare en précisions sur sa "période jaune", Jonathan préféra évoquer Une Semaine de pluie (aka "Ma vie sexuelle à Đà Lạt"), oeuvre sensuelle et séraphique ramenée de sa circumnavigation asiatique. Pendant ces 22 minutes de cinéma brut, il esquisse en effet le portrait d'une jeunesse égarée, s'oubliant dans la chaleur humide du centre duVietnam à sa fascination pour l'occident. Le film reçoit un accueil chaleureux du public et la critique le consacre "Prix du Jury" lors du prestigieux festival Café Lumières. Jonathan Lerivray s'essaie alors une nouvelle fois à une collaboration avec Étienne André lors du déroutant La Femme est un poisson comme les hommes. Le métrage, savant mélange de militantisme queer et de philosophie ictyophile , marque un tournant dans la carrière des 2 artistes, témoignant d'un parti pris esthétique plus radical : les dialogues tiennent sur 2 SMS, les références scatologiques s'empilent et la narration y est délaissée au profit d'une conceptuelle "image-danse" renvoyant à la terminologie forcément incomplète de Gilles Deleuze. La justesse du traitement de la question homosexuelle et les complaisances cinématographiques auxquelles il s'abandonne (quelques postérieurs mâles crânement affichés alimenteront la controverse) seront à l'origine des premières rumeurs sur ses orientations sexuelles. La triste actualité du mois de janvier 2008 y apportera un démentisinglant puisque l'on apprend le 29 Janvier, par le truchement de la presse à sensation, son implication dans "l'Edison Chen photo scandal" qui secouât le tout Hong-Kong. L'affaire des photos intimes met l'opinion publique internationale en émoi mais Jonathan parvient à en minimiser les retombées sur sa propre personne en utilisant - d'aucuns le prétendent - un logiciel de retouche numérique pour faire accuser son collègue et ami l'acteur sino-canadien Edison Chen. L'effervescence retombée, le réalisateur s'essaie ponctuellement au cadrage et à la direction photographique mais son succès dépassera difficilement les limites du XIXe arrondissement parisien, dans lequel il connaîtra, un soir de mars 2008, un succès d'estime avec son filtre rose sur le film 思 (Thinking), d'Étienne André. C'est d'ailleurs avec ce dernier qu'il retrouve le chemin du succès l'été suivant, lors de la sortie de Drama de chambre sur les écrans. Hymne au cinéma youporn (le titre défendu à l'origine par Jonathan Lerivray était Cute Girl from Taiwan Waking Up for the First Time mais la production, craignant que l'œuvre ne se heurte à la frilosité des moeurs du public français et du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, le lui refusera), cette préciosité de 4 minutes 30 mènera les 2 acolytes aux côtés de Cronenberg et Hong Sang-soo dans la sélection tant convoitée du festival Paris Cinéma. L'accueil, dithyrambique dans le microcosme cinéphile parisien, sera plus réservé en province, du fait de la pudibonderie susmentionnée.

Il faudra attendre son suicide, des années plus tard, et les premiers travaux universitaires, pour que le monde réalise l'ambition artistique de son oeuvre et l'ampleur de son héritage.